Au Sénégal, les partisans de l’opposant Ousmane Sonko estiment que le dossier de candidature du leader du Pastef devrait être avalisé par le Conseil constitutionnel. Une possibilité que le célèbre écrivain sénégalais Boubacar Boris Diop n’écarte pas non plus. Il dénonce la mesquinerie avec laquelle on veut empêcher Ousmane Sonko de briguer la magistrature suprême. Decryptage.
« C’est d’autant moins acceptable que quand même, ce n’est pas un candidat lambda qui n’a aucune chance d’être élu, au contraire, il a une grande partie de l’opinion avec lui et donc on écarte un concurrent sérieux. »
De la tension politique perceptible
« Nous sommes un peu tétanisés ». Il y a une sorte de sidération. On ne pensait pas que le Sénégal pourrait se trouver dans une telle situation. En même temps, finalement, on ne sait pas quoi faire. Alors les gens se battent comme ils peuvent. Et d’après ce que je comprends, le Pastef et les partisans de Sonko veulent mettre le Conseil constitutionnel devant ses responsabilités. Lui montrer que le candidat Ousmane Sonko a fait tout ce qui est en son pouvoir pour respecter la loi et que, s’il n’a pas pu présenter des parrainages, s’il n’a pas pu avoir un dossier complet, le Conseil constitutionnel est bien placé pour savoir que ce n’est pas de sa faute et qu’il faut avaliser sa candidature. »
Des arguments juridiques exposés par les avocats de Sonko
« Je ne suis pas juriste, mais c’est ce que disent les juristes ». Mais en vérité, ce que tout cela laisse finalement craindre, c’est qu’il se pourrait que ces élections, d’une façon ou d’une autre, soient frauduleuses. Parce que si la direction générale des élections refuse de remettre des fiches de parrainage à un candidat, dans une parfaite illégalité, je ne la vois pas accepter la défaite du candidat du régime le moment venu. »
De la transparence des élections
« On l’a cru pendant longtemps parce que Wade a battu Abdou Diouf qui l’a appelé pour le féliciter. » On était tellement fier de ça. Pareil, Wade lui-même a dû féliciter Macky. Macky Sall a été bien élu et réélu. Mais les enjeux aujourd’hui – et j’ajouterai que la plupart des commentateurs et des citoyens diront que désormais au Sénégal, il n’est plus possible de falsifier des résultats électoraux. Mais ce sont les enjeux qui dictent au fond les comportements. Je suis persuadé qu’on a atteint un tel niveau de violence verbale, parfois physique et qu’il y a tant de gens du régime en place qui ont à perdre. »
Du rôle joué par la France
« On a aussi un candidat qui est adoubé de façon spectaculaire par l’ancien colonisateur, par la France. » On a tout ça autour de la candidature d’Amadou Ba… Bref, je ne vois pas comment l’élection peut se dérouler normalement parce que du dehors, on ne se rend pas compte à quel point les ressentiments politiques sont forts. Enfin, on ne l’a jamais eu ici. Il y a toujours eu des problèmes, mais là, très franchement, on a atteint un tel niveau de conflictualité qu’un passage harmonieux, un dimanche, on jette des bulletins dans l’urne, on fait le décompte, et on dit que X a gagné. Oh non, ça, je pense que c’est être naïf que de croire à ce scénario. »
De la craindre d’une escalade de violences
« Quand je dis qu’il y aura fraude, on peut imaginer que ce sera en faveur du candidat Amadou Bâ ». En réalité, l’impopularité de Macky Sall est telle que je crois que pour retrouver un semblant de légitimité populaire, son successeur devra se débarrasser de lui. Comme Wade a ignoré Diouf et comme Maky Sall lui-même a ignoré Abdoulaye Wade. »
Du poids de la jeunesse au Sénégal
« Je crois par ailleurs que 75 % de a population, à moins de à moins de 35 ans. C’est un pays où la jeunesse est très active, mais elle n’est pas organisée face à des lobbies anciens, puissants et d’autant plus déterminés aujourd’hui que vraiment, ces lobbies-là n’ont jamais senti la fin aussi proche. Et tous les gens qui font des scénarios en interne dans le régime, ils ont prévu qu’il y aura des dégâts, mais peut-être qu’ils se disent que tout finira par se calmer. En tout cas, le pays risque d’être difficile à gouverner sous tension, pendant longtemps. »
Source : DW