Alors que la commission électorale continue à égrener des résultats très partiels de la présidentielle, dans sa messe de Noël, le cardinal Fridolin Ambongo, a qualifié dimanche soir, les élections de « gigantesque désordre organisé ». C’est une grosse pierre que l’Eglise catholique, très influente et traditionnellement critique à l’égard du pouvoir en RDC, a jeté dans le jardin privé de la Céni.
Devant les fidèles rassemblés dans la cathédrale Notre-Dame du Congo, dans la commune de la Gombe de Kinshasa, le cardinal Fridolin Ambongo a déclaré que les Congolais se sont mobilisés « avec engouement, avec détermination, pour exprimer démocratiquement leurs préférences » Mais hélas, a-t-il poursuivi, ce qui aurait dû être une grande célébration des valeurs démocratiques s’est vite transformé pour beaucoup en frustrations ».
L’archevêque de Kinshasa a notamment évoqué des « images insoutenables », une allusion faite à une vidéo ayant montré l’agression d’une femme parce qu’elle avait voté pour l’opposition.
Ouverture d’une enquête après la mort d’un expert électoral
Dans la nuit de vendredi à samedi, un expert belge en informatique présent à Kinshasa en soutien à la mission européenne d’observation des élections congolaises s’est suicidé en se jetant du 12e étage d’un hôtel de la capitale de RDC, selon des sources diplomatiques qui indiquent le suicide ne l’objet d’aucun doute.
L’Union européenne qui avait prévu au départ une mission plus vaste d’une cinquantaine d’observateurs, qui devaient se déployer sur tout le territoire a finalement déployé à Kinshasa une mission réduite de huit observateurs pour les élections générales dont le scrutin présidentiel.
Selon plusieurs sources, les autorités de Kinshasa ont refusé que la mission européenne utilise ses équipements satellitaires.
Difficultés techniques
Prévues le 20 décembre, les élections générales (présidentielle, législatives, provinciales et locales) ont été prolongées, officiellement, elles sont terminées depuis jeudi soir mais elles se s’est poursuivies jusqu’en fin de semaine dans des zones reculées de plusieurs provinces.
« Pour l’heure, je vous exhorte à la prudence et à la retenue », a déclaré dimanche soir, l’archevêque de Kinshasa, le cardinal Ambongo. « Nous attendons les rapports de différentes missions d’observation, notamment celui de la mission conjointe de l’Eglise catholique et de l’Eglise protestante, qui pourraient nous aider à prendre la mesure des irrégularités constatées et à en évaluer l’impact sur la crédibilité de ces élections », a conclu le prélat.
Des résultats très partiels
Au même moment et dans la même commune, la Céni a continué de publier des résultats partiels de la présidentielle, ce qu’elle avait commencé à faire vendredi avec le vote de la diaspora. Des résultats portant sur environ un million de votants, collectés dans 22 circonscriptions d’une douzaine de provinces, ont été diffusés dans la soirée. Ces chiffres, qui ne sont donc pas encore significatifs, placent Félix Tshisekedi très largement en tête, à un score autour de 80%. La Céni prévoit de diffuser d’autres résultats lundi.
Risque de troubles
La proclamation du vainqueur pourrait être suivie de troubles, dans un pays à l’histoire politique agitée et souvent marquée par des violences, au sous-sol immensément riche en minerais mais dont la population est majoritairement pauvre.
Le chef de l’Etat sortant, Félix Tshisekedi, brigue un second mandat face à 18 autres candidats, dont plusieurs poids lourds de l’opposition qui ont dénoncé le « chaos » et les « irrégularités » ayant selon eux entaché le vote. Certains prévoient une manifestation pour mercredi prochain, d’autres demandent l’annulation pure et simple des élections.
Parmi ces opposants figurent Moïse Katumbi, un ancien gouverneur de la région minière du Katanga (sud-est), Martin Fayulu, qui affirme que la victoire lui a été volée à l’élection de 2018, et Denis Mukwege, prix Nobel de la paix pour son action auprès des femmes victimes de viols de guerre.
Tentative de fraude électorale
En plus de la suspicion des opposants depuis le début du processus électoral, la campagne a été empoisonnée par la situation sécuritaire dans l’est de la RDC, qui connaît un pic de tension depuis deux ans avec la résurgence de la rébellion du M23, soutenue par le Rwanda.
Certains candidats d’opposition ont été accusés d’être des « étrangers », une arme redoutable pour les discréditer dans un pays meurtri par des années de conflits. Dans cette ambiance post-électorale tendue, l’annonce dimanche de la mort par défenestration d’un expert belge, présent à Kinshasa dans le cadre de la mission européenne d’observation des élections, donne lieu à diverses interprétations sur les réseaux sociaux. Selon des sources diplomatiques, le suicide de cet homme ne fait aucun doute.